Crue centennale ici au Pont du Passage à Belin Béliet
L'équivalent de 2 mois de précipitations, soit près de 160 mm d’eau, s’est abattu en 36 heures seulement sur le Bassin versant de la Leyre et celui du Ciron, provoquant une situation exceptionnelle et des dégâts importants sur le Val de l’Eyre, le Sud-Gironde et la Haute Lande. Le Président du Parc, Renaud Lagrave, se rendra sur place lundi 18 mai prochain.

Un constat

Ce qui caractérise le fort cumul des eaux en 36 heures sur ces deux vallées, c’est le résultat d’une stabilité géographique de la dépression. Dans la très grande majorité des cas, les dépressions se déplacent d’Ouest en Est et donc traversent le territoire. Ces 10 et 11 mai, le phénomène pluvieux était bloqué au-dessus des bassins versants du Ciron et de La Leyre, un équivalent aux orages cévenols (cette dépression remontant de la Méditerranée). Les fortes précipitations ont apporté un volume d’eau important et provoqué des cumuls de grande ampleur en peu de temps, dans un contexte de nappes phréatiques saturées suite aux différents épisodes pluvieux de l'hiver et début du printemps.

État des lieux

• D’abord sont apparues des remontées de nappe au-dessus du sol puis, très vite, des écoulements de surface et des déversements se sont multipliés : des ruissellements puissants ont surgi dans les rues, des maisons ont été inondées, des infrastructures notamment des ponts, des édifices soutenant des pistes cyclables et des routes n’ont pas résisté (sur la Petite Leyre et la Leyre aval où les cumuls pluviométriques ont été les plus forts, jusqu’à 200 mm sur le camp militaire de Captieux, source de la Petite Leyre).
Le débit de l’eau constaté semble historique. Plusieurs stations de relevés ne transmettent plus leurs résultats automatisés et les dernières données ne sont plus accessibles. Seule la station de Salles (33) a pu émettre pendant tout l'évènement, le débit sera connu après contrôle des modèles ; il pourrait être historique en aval compte tenu d'un repère fixe largement dépassé correspondant à une crue de 1850, au pont de Salles. Il va sans dire qu’avant d’affirmer que les records historiques sont battus, il faudra prendre un peu de recul pour croiser données de terrain, témoignages et données historiques sur la partie amont.
Le niveau d’eau n’a cessé de croître durant 48 heures, provoqué par l’arrivée des eaux dans les différents affluents qui sont eux-mêmes venus gonfler la Petite Leyre, la Grande Leyre et l’Eyre. À Belin-Béliet, on a enregistré le 13 mai, sur l’échelle de référence du Pont de Mesplet, la cote de 2m40.
• Avec la marée haute prévue le 12 mai au soir, les communes en aval (Salles, Mios, Biganos, Le Teich…) se sont vues à leur tour particulièrement touchées.
• En plus des routes fragilisées, stations d’épurations, piscicultures, moulins, activités agricoles et autres équipements en fond de vallées ont pu être touchés. Des habitants ont également subi la montée des eaux sur certains secteurs, souvent loin des cours d’eau, nécessitant l’intervention solidaire de la cellule de crise.
• Parler de crue centennale revient à parler d’une faible probabilité de survenue de l’évènement et non pas d’une crue qui reviendrait tous les 100 ans. Cette crue est assurément un événement rare par son intensité, qui le sera peut-être moins au regard du dérèglement climatique, mais évolue par rapport aux cycles « normaux » et épisodiques de la Leyre qui déborde librement sur tout son lit majeur. Impressionnant tout de même à notre échelle, d’autant que le territoire n’est pas le même qu’au siècle dernier.

Amorce de décrue ce matin sur l’Eyre

Le pic est passé. Bloqué à 2.38 depuis le 12 mai au matin, la cote (encore très haute) est désormais ce 14 mai, à 2.30 à l’échelle de référence au pont de Mesplet à Belin Béliet.
Il faut toutefois espérer qu’il y ait peu de précipitations, les trois semaines à venir car les réactions des nappes et des cours d'eau seraient immédiates. Nos observations ces 25 dernières années ont montré que s’il faut 48 heures à la Leyre pour monter, 10 à 12 jours sont nécessaires pour retrouver le niveau initial, notamment sur le secteur du Val de l’Eyre, dont la vallée est très large et peu encaissée. La Petite Leyre a bien amorcé sa décrue tout en laissant sous pression les installations les plus vulnérables comme les piscicultures. De bonne augure pour les 48 heures à venir plus en aval.

Une cellule de crise maintenant… Et demain ?

Le Parc naturel, grâce au travail de terrain de Laurent Dégrave, technicien rivière, se tient à disposition des DST des communes riveraines pour échanger sur l'évolution de la situation à l'échelle du Bassin versant, coordonner les opérations de secours avec le SDIS, remplir les déclarations de catastrophe naturelle…
De fortes inquiétudes subsistent pour demain quant à l’état de certains ouvrages (ponts notamment) et aux délais pour remettre en état certains équipements mais aussi pour la compréhension des inondations d’une telle envergure dans des quartiers réputés « secs ».
Le chantier d’entretien de la rivière à venir, déjà reporté avec la crise sanitaire, ne pourra pas avoir lieu dans les délais prévus initialement, nous prévoyons en effet un encombrement majeur au moins équivalent à la tempête Klaus, ce qui repousse évidement d’autant la pratique de canoë loisirs dans la vallée.
Des inventaires au long cours permettront aussi de de relativiser les évolutions écologiques amenées par cette crue : changement morphologique du lit de la rivière (nouveau lit, par divagation ou reméandrage), regain des végétations des zones humides ayant souffert d’assèchements répétés ces dernières années, résilience des milieux forestiers, diffusion de graines d’espèces invasives dans des zones non encore touchées… Dans un écosystème alluvial, dépendant étroitement de ces inondations périodiques, les eaux fertiles des crues bousculent, rajeunissent, charrient et rebattent les cartes des composantes de nos zones humides et de nos forêts adaptées en partie à ces phénomènes et ces cycles, sur des rythmes longs que nous percevons mal mais qui en ont fait toute la richesse que nous connaissons aujourd’hui.
Il conviendra aussi de s’interroger sur ces alternances d’épisodes extrêmes dus au dérèglement climatique, et d’analyser finement, outre la réalité d’un événement pluviométrique exceptionnel, les facteurs aggravants des sinistres à l’échelle du bassin versant et les moyens d'adapter les pratiques pour une plus grande résilience des cours d'eau du Parc. Ainsi, des réunions d'informations, la diffusion de plaquettes, le rappel réglementaire à destination des élus et riverains rentrent dans le champ de la compétence GEMAPI et du programme pluriannuel de travaux sur les cours d'eau portés par le Parc.