Questions-réponses
1) Doit-on considérer que les Landes de Gascogne sont actuellement anormalement sèches, et pourquoi ?
On distingue différents types de sécheresse : la sécheresse météorologique qui se traduit par l'absence de précipitations suffisantes, la sécheresse agricole (humidité du sol) et la sécheresse hydrologique qui impacte les nappes et les cours d'eau. Au cours du mois de juin les pluies ont été anormalement élevées, on ne peut donc pas parler de sécheresse météorologique. L’humidité des sols est aussi très bonne, avec des plantes qui ont tiré profit des pluies abondantes, souvent irrégulières mais surtout intenses dans une ambiance chaude propice à la pousse des végétaux. On observe par exemple des fougères aigles extrêmement amples notamment en lande mésophile (Il s’agit de landes se développant sur des sols acides et moyennement humides, où la Bruyère ciliée et l’Ajonc nain sont les espèces dominantes. La Molinie bleue est l’herbacée la plus présente.). En zone agricole, les besoins en eau d'irrigation ont donc été très faibles, ce qui facilite une baisse plus lente du niveau de la nappe phréatique en sous-sol.
Pour autant, la sécheresse hydrologique est toujours palpable avec un débit faible de la Leyre. Si la situation semble être plus favorable qu’en juin 2022 (bien que les valeurs soient encore inférieures de moitié aux normales d’un mois de juin, notamment pour la Leyre), il nous faut suivre de près le débit des cours d'eau car désormais, ni eux, ni les nappes ne peuvent faire de réserve.
Si l’on en croit les données communiquées sur Info sécheresse, le niveau des nappes phréatiques en Gironde est assez proche de la moyenne et bas voire très bas sur la partie "Haute Leyre" dans les Landes. Il est donc difficile pour le citoyen d'appréhender une vision de sécheresse quand on observe le paysage, sauf à s'approcher du fleuve….
2) Pourquoi les pluies parfois très fortes (liées aux orages de juin) n'ont pas été bénéfiques pour les nappes ou pour la rivière ?
Il y a eu en effet des cumuls intenses localement pourtant on a observé que la moitié du débit du fleuve manquait toujours et que le niveau des nappes continuait de baisser. En fait, rien ne se perd mais tout se transforme. C’est la végétation qui a largement profité de ces pluies : elle a, en quelque sorte, absorbée l’eau tombée du ciel, pour combler son besoin d’eau lié à son évapotranspiration quotidienne et à la sécheresse qui perdure depuis 2022. Aussitôt arrivée, aussitôt repartie, l'eau a ruisselé, est partie vers l'aval. Le débit de Leyre a augmenté et baissé dans la foulée, par manque de soutien des nappes qui n'ont toujours pas récupéré de la situation de 2022 sauf sur certains secteurs (comme Ychoux ou Belin). Sur la zone incendiée en 2022, l'absence d'arbres a favorisé l'alimentation en sous-sol et le débit du ruisseau du Bouron est par exemple encore bon.
3) Quelles sont les conséquences directes et déjà visibles sur le territoire ?
On déplore une forte mortalité d’arbres en berge et, surtout, leur chute dans le cours d’eau. 80 % des arbres qui obstruent le fleuve sur les 30 premiers kilomètres sont des arbres morts sur pied. C’est la première fois en 23 ans d’observations que nous constatons une telle situation. Si on se réfère à l'année 2022 la situation est meilleure à l'heure actuelle mais le signal de fond n'est pas bon, la situation reste fragile pour la suite. Alors peut-être faut-il s'habituer, en tant qu’humains, à avoir moins de débit dans la Leyre mais comment les habitants de la rivière vont-ils, eux, s'habituer à ces changements... entre baisse des capacités d'accueil et recherche de refuges thermiques avec l'augmentation de la température de la rivière. Il y a encore beaucoup de choses à observer et à comprendre. Une première canicule semble arriver, à suivre…
Bilan hydrologique Leyre en juin 2023 : une situation complexe
Pluviométrie de juin : Les pluies de ce mois ont été généreuses même si elles restent tardives et n'ont pas le même impact que des pluies pré-printanières. Un cumul de pluie important avec :
- 149 mm pour Commensacq soit une augmentation de 112 % des précipitations par rapport à la normale de juin [Moyenne mensuelle 70 mm à Sabres, 68 mm à Pissos normales 1981-2010 et 1991-2020]
- Sur l'aval, 115 mm à Belin et 145 mm à Salles. Valeurs largement supérieures aux normales avec une augmentation de 75 % sur Belin et même 120% sur Salles par rapport à la normale de juin. [Moyenne mensuelle normale 1981-2010 le barp 62 mm et 1991-2020 sur Belin :69 mm]
Avec l'humidité normale des sols, le risque de feu de forêt est actuellement faible, les données de risque sont accessibles depuis le 1er juin sur: https://meteofrance.com/meteo-des-foretsRésultats des données piézométriques (niveau de la nappe des sables) : À l'issue des pluies du 20 et 21 juin certains piezomètres proches de la surface ont légèrement réagi, à la hausse, c'est plutôt rare à cette période mais avec une pluviométrie anormale comme nous l'avions connu en 2017, c'est en quelque sorte un salut.
- Argelouse : Niveau très bas inférieur à 2022
- Sabres limite niveau très bas légèrement supérieur à 2022
Sur ces deux stations piézométriques les plus en déficit, on peut comparer avec la situation de 2022 à la même date, nous avons seulement 15 jours d'avance sur le niveau de la nappe, avec 4 cm d'écart. Le spectre d'une sécheresse reste présent sur ce secteur, le plus fragilisé en 2022 et qui a laissé des traces...
Ailleurs la situation est bien meilleure :
- Ychoux Malet niveau jaune autour de la moyenne
- Ychoux Biredis limite niveau autour de la moyenne
- Le Teich autour de la moyenne
Ici, on retrouve la même situation qu'en 2017 avec des pluies anormales bienfaisantes...
- Lanton et Biganos niveau haut
- Boutox. Niveau autour de la moyenne
De manière générale, la pente de baisse du niveau de la nappe est plus douce par rapport à 2022 avec de moindres sollicitations en sub-surface (arrosage des jardins) et en profondeur (irrigation agricole). Aussi,il n'y a pas une nappe mais plusieurs nappes, on parle de sous bassin versant hydrogéologique, l'eau qui tombe suit la topographie puis s'infiltre et suit la pente de la nappe pour finir par s'écouler sous forme de source ou d'affleurement de la nappe dans les points bas. Une analyse par sous bassin et donc plus utile, pour être au plus près de la réalité et des différences locales.
Bilan débit-mètrique de la Leyre juin 2023 :
- Débit Leyre au pont de Salles mois de juin : baisse de 44 % par rapport à la moyenne depuis 1967. Entre évaporation, évapotranspiration et ruissellement, le débit à la fin du mois du juin est nettement inférieur à celui du début du mois malgré toute cette pluie. 7.2m3/s en début de mois contre 6,2 m3/s en fin de mois au pont de Salles. Valeur du débit moyen mensuel juin 2023 est de 7,46 m3/s cette valeur est supérieure de seulement 27 % à la valeur moyenne de juin 2022. Valeur du débit moyen d'un début août sur 57 ans de mesure. 3ème valeur la plus basse depuis 2012 après 2017 et 2022.
- Ce constat est directement lié à la situation persistante d'une nappe basse partie petite Leyre. 3ème valeur la plus basse après 2017 et 2022 et aussi la grande Leyre landaise car lorsque on regarde la situation des affluents on constate en juin 2023 une baisse de débit de 40% sur le ruisseau du Castera (Moustey) et seulement 20 % sur le ruisseau du Bouron (zone brûlée) moyenne depuis 1967.