Maison du meunier
En fin d’année 2021, la couverture et la charpente de la maison du meunier ont fait l’objet d’une importante rénovation. Bastien Dubernet (Chef d’entreprise et charpentier de la SARL Dubernet Charpente) en charge des travaux nous propose d’entrer dans les détails du chantier. En préambule, deux expertes du site et du bâti ancien, Florence Raguénès (conservatrice de l’écomusée de Marquèze), Philippine Piel (chargée de mission inventaire du patrimoine bâti au PNR des Landes de Gascogne), nous en apprennent un peu plus sur la maison du Meunier et les spécificités de sa charpente traditionnelle.

Une part de l'histoire de Marquèze. Par Florence Raguénès

La maison du meunier est l’une des pièces maîtresses de l’aire du Moulin de Bas, l’une des deux aires meunières qui bordaient, jusqu’au XIXe siècle, le quartier de Marquèze. Si le moulin aujourd’hui en place provient de la commune de Geloux, la maison se trouvait à l’origine au sein du quartier de Trescasses, lieu-dit Maguide, à Vert. Ces deux bâtiments ont été transférés en 1976 à l’emplacement d’édifices disparus mais décrits par les archives et matrices cadastrales comme similaires aux constructions présentes. La date de 1839, inscrite sur le torchis de l’une des chambres et soigneusement préservée lors des étapes de transfert, nous indique que le bâtiment compte au moins 183 printemps. 4 mois de travail pour les deux charpentiers, 7 mois et demi pour le maçon, les démontage et remontage de cette belle maison n’ont pas été une mince affaire.

Une charpente, des charpentiers. Par Philippine Piel

La charpente de la maison du Meunier illustre avec élégance les savoir-faire et mises en œuvre traditionnelles en matière de charpenterie landaise. En Haute Lande, comme dans les Petites Landes, le bois est utilisé comme matériau de gros œuvre, qu’il s’agisse de la charpente ou des murs en pans de bois. Deux essences locales sont utilisées : le chêne et le pin. On privilégie l’utilisation du chêne pour les pièces maîtresses et le pin pour les éléments de remplissage. Composée de quatre fermes à pannes et d’une queue de palombe, elle est assemblée à tenons passants chevillés. On observe de nombreuses traces d’outils sur les pièces de notre charpente. Certaines sont taillées à la doloire laissant apparaitre des cupules, comme sur les entraits en bois de brin et demi-brin, d’autres sont taillés à la scie de long, en témoignent les triangles d’arrachement encore visibles sur les bois de quartier. Véritable puzzle géant, chaque pièce de bois est numérotée avant d’être assemblée.  Sur la maison du Meunier, on remarque différentes marques en chiffres romains incisées sur les bois. Y aurait-il eu plusieurs charpentiers à y travailler ?

Des charpentiers d’hier à aujourd’hui. Entretien avec Bastien Dubernet

Tout d’abord, il faut préciser que l’intervention à l’écomusée de Marquèze a vraiment mobilisé toute l’équipe. Travailler pour protéger ce patrimoine, nous y sommes tous sensibles, les plus jeunes comme les plus anciens. J’évoquerais ici trois aspects particuliers des travaux réalisés à la maison du meunier :

  • La couverture en tuiles canal. C’est un travail complexe aujourd’hui, tout d’abord car le savoir-faire se perd, ce type de tuile étant désormais systématiquement remplacé au profit de tuiles crochetées. Mais c’est surtout la difficulté de trouver des tuiles canal ma véritable angoisse ! Car les ressources disponibles sont faibles : certaines tuiles de la toiture d’origine peuvent être réemployées, mais il est impossible d’en déterminer précisément le nombre disponible avant chantier. L’écomusée a un précieux stock à disposition, j’en ai quelques-unes à l’atelier… et il faut faire en sorte de faire avec, car il n’y a plus – ou très peu – de fabricants potiers aujourd’hui.
  • Les « pinhot », ou chanlatte, sous les tuiles d’égout (dernière rangée de tuiles de la couverture) ont été réalisés avec des jeunes pins coupés et travaillés à la main sur le site de Marquèze. Cette opération est un lointain écho au travail des charpentiers d’antan. En effet, les maisons landaises étaient autrefois construites – pour la presque totalité des matériaux – à partir de ressources disponibles autour de soi. Aussi simple soit la démarche, la longévité des ces constructions atteste du bon sens de travailler avec les matériaux locaux.
  • La charpente a nécessité elle aussi des interventions. Notamment avec le besoin de remplacer plus de chevrons que prévu au départ, car l’état de détérioration des bois d’origine s’est avéré plus important que prévu une fois la toiture découverte. En pleine crise des approvisionnements en bois, ça n’est pas forcément une situation évidente et je tiens à faire remarquer que ce sont les efforts de la Scierie de Saint-Yaguen qui nous ont permis d’avoir les pièces nécessaires, en pin des Landes et dans les délais. Pour eux aussi je crois, l’idée de travailler pour Marquèze a été une source de motivation.
3-meunier

Les charpentes des maisons landaises traditionnelles sont anciennes et nécessitent un entretien complètement différent des constructions récentes. Je donne ici quelques conseils de points « sensibles » à observer pour en évaluer l’état : 

  • Observer la toiture : très souvent en tuiles canal, celles-ci glissent avec le temps, ne serait-ce qu’avec les vibrations du passage d’une voiture à proximité ! L’entrée de l’humidité par la couverture va favoriser l’installation des insectes xylophages dans le bois de charpente et accélérer fortement sa dégradation.
  • Observer les bois en contact avec le sol : les poteaux porteurs, très souvent posés sur une pierre. C’est un point d’entrée pour les xylophages et la fragilité de ce type de pièce aura une incidence sur l’ensemble de la structure.
  • Une attention particulière est à porter à la façade exposée dite « mauvais temps ». Dans les Landes, elle est au sud-ouest. Les intempéries y soumettent l’ensemble de la structure à rude épreuve, donc à observer avec plus d’attention que les autres faces.
  • Identifier s’il y a des déchaussements des tenons/mortaises, ou « peouyet », c’est-à-dire des points de liaison entre les pièces de bois. Un décalage ou un éloignement entre deux pièces va aussi fragiliser considérablement la structure.